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LES CHOIX TECHNOLOGIQUES


Le paradoxe des mécanismes métallurgiques

L'objectif de tout coutelier est de réaliser des lames à haut pouvoir tranchant qui soient aussi extrêmement résistantes à la rupture par choc ou flexion.

Or ces deux qualités sont parfaitement contradictoire. Un haut pouvoir tranchant qui tienne dans la durée ne peut-être obtenu que si la matière de la lame est dure, et plus cette matière est dure, plus elle est cassante.

La meilleure illustration de cette loi paradoxale se trouve dans les couteaux en céramique. Même une céramique grossière est toujours plus dure que le plus dur des aciers, c'est la raison pour laquelle le fil des couteaux de table perd toujours la bataille du steack face à l'assiette. Il s'émousse toujours.

L'idée est donc venue de réaliser des couteaux, eux aussi en céramique, de sorte que les chances soient égales de part et d'autre, couteaux que l'on peut utiliser aussi et surtout en cuisine.

Que constate-t-on à l'expérience ?

Si l'on respecte l'évident principe de base d'éviter toute chute à l'objet sous peine de le voir se briser en de nombreux morceaux, au bout d'un certain temps d'usage cette lame aux qualités de coupe initiales exceptionnelles ne tranche plus ou fort mal.

Que s'est-il-passé ?

Si l'on examine le tranchant avec une loupe à fort grossissement on s'aperçoit que le fil n'est plus qu'une suite de micro-ébréchures à touche-touche provenant de micro-cassures dues aux efforts de coupe latéraux, et non à la coupe elle-même, ce qui est tout à fait irrémédiable.

Comment le coutelier passe-t-il de l'antinomie ou bien tranchant ou bien solide, au but recherché et tranchant et solide ? Comment sort-il pratiquement de ce paradoxe ?

Par un ou plusieur compromis choisis en fonction du but à atteindre. Pour ce faire, il convient de s'informer sur ce qui se passe à l'intérieur de l'acier pour en comprendre globalement le mécanisme.

Si l'on examine du fer au niveau atomique, on s'aperçoit que chaque atome prend place à chaque angle d'un cube, ce qui fait que le plus petit arrangement métallique, que l'on appelle un cristal, comprend huit atomes de fer.

Si l'on ajoute dans du fer en fusion du carbone en quantité minime et raisonnable ( entre 0,2% et 2% de carbone pour fixer les idées) on finit par obtenir, au moyen des opérations classiques d'aciéries, un acier à l'état recuit. Si l'on examine un cristal basique, on voit que le cube de fer aux huit atomes a installé un atome de carbone en son centre, l'ensemble comprenant alors neuf atomes, huit de fer et un de carbone.

Si l'on chauffe cet acier à un peu plus de 1000°C et qu'on examine ce même cristal, on constate une sérieuse transformation.

Le cristal basique s'est dilaté de 25%, l'atome de carbone central est parti, mais par contre chaque face du cube s'est doté d'un atome de carbone en son centre, si bien que maintenant le cristal d'acier comprend les huit atomes de fer et six atomes de carbone, soit cinq de plus qu'avant. On est passé pour chaque cristal, d'un système cubique centré à un système cubique à face centrée.

Si maintenant nous refroidissons cet acier lentement, nous revenons au statu quo anté, mais si nous le refroidissons brutalement par le procédé que l'on appelle trempe ( parce qu'initialement on trempait dans l'eau) le cristal se rétracte brutalement en emprisonnant le carbone.

De cet emprisonnement naissent des contraintes dans l'acier, c'est à dire des forces qui le mettent sous tension, ce qui durcit l'ensemble, forces en équilibre plus ou moins instables ce qui fragilise cet acier trempé.

Les métallurgistes ont découvert que si l'on réchauffait modérément ( de l'ordre de 2 à 300°C) l'acier trempé pendant un certain temps, sa dureté diminuait peu, mais l'équilibre des forces instable devenait quasi stable, ce qui rendait l'acier trempé moins fragile.

Les usagers des aciers trempants pratiquent donc l'ensemble des opérations trempe et revenu.

Avec l'acier inoxydable de coutellerie qui contient de 0,5 à 1,6% de carbone, de 13 à 18% de chrome et 0,5% de molybdène environ, les choses sont sensiblement semblables mais en plus complexe.

On a vu que le cristal de base chauffé se dilatait, absorbait du carbone qui se trouvait embastillé ( on dirait enloubiankaïsé en Russie) par le refroidissement brutal. Dès lors, on constate que le cristal d'acier trempé n'a pas repris la dimension qu'il avait à l'état recuit, il a fortement grossi.

A l'échelle visible, si la pièce d'acier trempé est massive elle ne se déforme pas, mais elle gonfle de l'ordre de 2 à 3%. Mais si la pièce trempée possède une dimension privilégiée comme dans les lames, elle s'incurve et ceci de façon totalement imprévisible, si bien qu'aux opérations de trempe et de revenu il faut associer une opération de redressage unitaire.

Le redressage unitaire pose de grands problèmes en main d'oeuvre aux entreprises qui font de la production de masse ( par exemple de l'ordre de 15 000 lames / jour) à l'aide de fours tunnels. Pour éviter les aléas de production ces gens privilégient des aciers inox à bas carbone ( quand il y en a) qui certes ne s'incurvent pas mais ne durcissent guère. C'est ce qui explique le constat grand public: "L'inox ça ne coupe pas".

Pour donner un semblant de fonctionnalité à ces instruments bas de gamme, les producteurs obnubilés plus par la rentabilité que par la qualité des produits, ont doté ces couteaux "ferraille" de dents qui donnent aux utilisateurs le plaisir de déchiqueter les éléments plutôt que de les trancher. Tout cela pour éviter de mettre dans l'acier ce qu'il faut pour qu'il puisse couper et ... pour faire du fric.

Le redressage unitaire demande doigté et expérience. Il ne s'agit pas de taper sur la bosse comme on le ferait sur une barre d'acier doux, sous peine de casser. Il s'agit de taper dans le creux et d'allonger la fibre intérieur à l'aide d'un marteau "fendant" grâce à une technique spécifique.

Il est évident que ce type d'opération dont on ne peut se passer induit des tensions internes qui s'ajoutent à celle de la trempe.

Et ce n'est pas fini.

L'aviation qui fait voler des machine "plus lourdes que l'air" est toujours à la recherche de composants capables de la fonction définie au moindre poids, d'où une course à la performance donnée par la haute technologie.

Les métallurgistes se sont aperçus que des pièces en parfait état, qui avaient résisté sans souci et longtemps aux efforts prévus, se brisaient brutalement sans cause visible ni prévisible.

Létude a montré que ce phénomène appelé "fatigue du métal" est lié au nombre de vibrations engrangées par la pièce considérée. Il a donc fallu définir en fonction de la fréquence et de l'amplitude des vibrations statistiquement les plus probables, une durée de vie au pièces vitales. C'est ainsi que l'on change ces pièces au bout de X heures de fonctionnement, même si elles sont en bon état apparent et qu'on les détruit pour ne pas avoir la tentation de les réutiliser.

Cette fatigue, qui physiquement est l'expression de nano-ruptures ( à l'échelle des chaînes de cristaux), est d'autant plus prégnante que la matière est déjà par elle-même très sollicitée et c'est évidemment le cas des lames.

Pour elles, personne ne peut évaluer la dose  de vibrations qu'elles ont subies et il faut se résigner à la contingence de la rupture.

On peut dire en résumé qu'une lame est un corps métallique mis sous tension par un ensemble de forces en équilibre plus ou moins stable du fait de la trempe, du redressage et de la fatigue.

Cette lame d'après sa genèse même, est donc relativement fragile.

Un autre groupe de facteurs est hostile à la pérennité des lames.

  • La grosseur du grain. On recherche un acier à grain fin parce que les gros sont source de fragilité. Ce facteur de grosseur dépend de l'élaboration de l'acier à laquelle nous ne pouvons rien, de son forgeage, en particulier du nombre de chaude et de sa trempe. Ce facteur est d'autant plus contraignant s'agissant d'acier inoxydable que la plage de travail à chaud est très étroite, de l'ordre de 30°C et qu'il n'existe aucun repère visuel pour s'y référer.   

                                                               

  • Les criques, qui sont des ruptures plus ou moins superficielles de l'acier. Le plus souvent il s'agit au niveau du lingot d'une bulle, on dit aussi une soufflure, dont les parois sont oxydées, si bien qu'au laminage il n'y a pas soudure et ces criques affectent alors la forme des lignes de laminage; on parle aussi de paille ou d'inclusions. Ce défaut se rencontre dans l'acier damas quand l'oxydation a empêché la soudure d'une partie des aciers.


  • Quant aux tapures elles sont générées plutôt au refroidissement du lingot ou dans la trempe, mais elle peuvent aussi être générées par une chauffe, excessive en un point, par l'usinage. Le mécanisme est facile à comprendre. Les aciers ne sont pas toujours bons conducteurs de la chaleur et les aciers inoxydables sont très mauvais à ce petit jeu. Si l'on chauffe un point de façon locale et excessive, le point se dilate, mais pas la zone contiguë, si bien que nous avons un effet de cisaillement entre le point chaud et dilaté et son voisin froid et impavide.      


  • L'état de surface joue lui aussi un rôle important sur la fatigue car il faut éviter toute amorce de rupture, de même que pour l'oxydation parce qu'il faut éviter toute amorce d'attaque. 


Cette petite étude n'a d'autre ambition que de mettre en évidence le champ d'action dans lequel il va falloir manoeuvrer pour atteindre le but fixé dans les meilleures conditions.                                                                    


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